La mort est l’évènement le plus dramatique et le plus traumatique que l’homme ait à expérimenter dans sa vie. Dés lors, la question de la mort est une question existentielle. Toutes les religions, toutes les spiritualités ont tenté d’y répondre. Les traditions religieuses indiennes et tibétaines et plus précisément le Bouddhisme Tibétain influencé par le Shivaïsme du Cachemire indien nous offrent une vision convaincante de cette phase de transition que nous appelons la mort.
Ce que c’est d’être vivant?
Avant de répondre à la question qu’est-ce que la mort ? il convient d’abord expliquer ce qu’est un être vivant:
En tant qu’être vivant, incarné, vous êtes constitué de différentes parties. Vous avez un corps et un cerveau, vous avez un esprit, un subconscient, un ego, et une âme. Ces différentes facultés sont organisées en différentes “structures”qui peuvent être décrites en utilisant le modèle des quatre corps.
Le modèle des quatre corps en yoga

Le corps physique
Premièrement, vous avez un corps physique. Ce fait, et ses conséquences, sont assez
évidentes. Vous occupez votre corps physique lorsque vous êtes éveillé.
Le corps subtil
Deuxièmement, vous avez ce qu’on appelle un corps subtil. C’est un corps constitué d’énergie et de vibrations. C’est la raison pour laquelle il est affecté par le son. Ce corps subtil abrite votre psychisme, qui rassemble les facultés mentales de l’esprit, du subconscient et de l’ego. Ces facultés sont également responsables de vos états émotionnels. C’est parce que vos facultés mentales sont divisées en différentes “parties” que parfois une partie de vous veut une chose, alors qu’une autre partie de vous veut autre chose.
Comment faire pour éviter cela? En pratiquant la méditation, la contemplation, on peut entrainer, et développer comme un muscle notre subconsient jusqu’à ce qu’il devienne finement aiguisé et se transforme en un esprit supérieur plus spirituel.
Votre intuition provient de votre esprit subconscient, il est donc nécessaire de la
de le développer afin d’acquérir une intuition fine.
Le corps subtil régule également le flux d’énergie vitale (prana) dans tout votre corps,
et lorsque ce flux d’énergie est bloqué d’une manière ou d’une autre, il en résulte une maladie “psychosomatique”. C’est pour cela que les médecins ne peuvent généralement pas trouver de cause physique, ou pour laquelle la cause physique apparente ne suffit pas à expliquer la survenue de la maladie.
Comme l’esprit fait partie du corps subtil, la santé mentale est intimement liée à la circulation efficace de l’énergie dans le corps subtil. Lorsque le corps subtil est malade, on parle souvent de “stress”.
Le corps causal
Troisièmement, vous avez un corps causal. Chaque corps est plus petit que le précédent, et contenu en lui, comme des poupées russes l’une dans l’autre,
de plus en plus petites.
Le corps causal contient des traces de vos tendances ou de modèles profondément ancrés qui influencent votre vie.
Ces tendances produisent des actions récurrentes que vous appelez “vos habitudes” dans cette vie mais étaient présentes aussi dans les vies précédentes.
Ces schémas expliquent notamment pourquoi vous reproduisez certains comportements qui peuvent peser dans votre vie.
Votre corps subtil à été faconné à votre naissance, et lui a donné sa forme, tout comme votre ADN a donné sa forme à votre corps physique. Ainsi, votre corps subtil influence à son tour le type de vie, vos traits de personnalité et les défis que vous rencontrez. Tout ce qui est présent dans votre vie est causé par l’empreinte gravée dans votre corps causal.
Le corps supracausal
Quatrièmement, vous avez un corps supra-causal. Ce n’est pas vraiment un corps si nous définissons un “corps” comme une enveloppe qui abrite notre “moi”. Le corps supracausal est votre “moi”, c’est votre être véritable, votre âme, le noyau essentiel. C’est la partie de vous qui est éternelle et immuable. Ce noyau, défini comme le coeur conscience dans le Tantra est en tout mais au-delà de tout ; il ne dépend de rien d’autre que de lui-même. Il n’est pas séparé de ce que l’on peut appeller Dieu ou la Vie. En Inde, on l’appelle l’Atman.
Il est plus exact de dire que l’univers vient de lui que de dire qu’il vient de l’univers.
Il est incréé et indestructible. C’est la partie la plus importante de votre être, qui est commune à tous les êtres. Sans l’Atman, pas d’union possible entre les hommes en tant que peuple, en tant qu’humanité .
Maintenant que vous savez ce que vous êtes, nous allons pouvoir aborder la question de la mort.
Qu’est-ce que la mort ?
La tradition du yoga bouddhiste tantrique nous offre une explication technique
qui présuppose de connaître le système des nadis et celui du prana.
Le prana ou plus exactement les prana qui circulent dans tous les nadis sont impurs à l’exception du prana qui circule dans le canal central. C’est pour cela que des schémas de pensée négatifs adviennent. Le canal central (ou sushumna nadi) lui est l’endroit où réside la lumière claire de la conscience. Il peut être voilé mais jamais bloqué. Au moment de la mort, les “nœuds”, ou les blocages d’énergie dans les nadis sont libérés, et les pranas s’écoulent dans le canal central, alors l’illumination est momentanément expérimentée.
Dans la tradition on peut définir la mort comme un changement d’état. Une chose sur laquelle toutes les traditions asiatiques s’accordent c’ est que la mort n’est pas une fin, il s’agit simplement d’un changement. Votre conscience est toujours là, mais sous une forme différente. Seul votre corps meurt. De nombreux sages ont exploré ce sujet, ils se sont plongés dans la méditation, et ont exploré les “limites intérieures” de leur propre être et de leur conscience. En réfléchissant très profondément à la façon dont le monde fonctionne la certitude que la mort n’est pas une fin leur est apparue de manière évidente, pourquoi?
un mortel mûrit comme les grains et, comme les grains, renaît.
Katha Upanishad
Qu’y a t’il après la mort?
Où va t-on après la mort ? Pas d’inquiétude à avoir car la mort ne peut pas être une fin, tout simplement parce que ce n’est pas la façon dont le monde fonctionne. Tout ce qui existe dans l’univers est caractérisée par des cycles : les saisons, les étoiles, les phases de la lune, le lever et le coucher du soleil, le cycle de l’eau, la migration des oiseaux. Tout est organisé en cycle et tout revient toujours à son point de départ.
Tout, naît, grandit, mûrit, se décompose, meurt et…renaît une fois de plus. Pourquoi les humains seraient-ils différents des autres entités ?
Dans les Upanishads qui sont de trés anciennes écritures indiennes il est dit :
comme en haut, donc en bas ; comme en dedans, donc en dehors ; comme ici, donc ailleurs.
Upanishad
Donc quand vous mourrez, vous, comme tout le reste de l’univers, allez renaître à nouveau, sous une forme différente.
Le bouddhisme rappelle que l’idée que votre identité est permanente est
fausse. Vous avez l’impression d’être la même personne aujourd’hui qu’il y a vingt ans, mais à un autre niveau, vous savez que ce n’est pas vrai. Vous changez tous les jours et à chaque instant. A chaque battement de paupière Shiva détruit et reconstruit le monde. Son tambour (Damaru) représente les battements de notre coeur ainsi nous naissons et mourrons à chaque instant. Vous êtes aussi différent de votre moi d’il y a vingt ans que vous l’êtes d’un autre être humain.
La mort n’est pas différente de ces changements quotidiens que nous expérimentons tous. C’est juste un autre changement. Pour comprendre cela, vous devez vous débarrasser de la sécurité, de la notion éronnée de permanence et réaliser que la nature de la réalité est celle du changement constant. Cette connaissance, qui doit être réalisée par l’expérience directe (en méditation) est une grande opportunité de transformation de nous-même et source de joie.
Lorsque le moment de la mort arrive enfin. Celui qui a été fixé et prédéterminé au moment de votre naissance (puisque le temps est circulaire et non linéaire), votre conscience commence à à se retirer lentement du corps physique, en se déplaçant vers le centre de votre être. L’énergie vitale qui circule dans le corps se retire d’abord des extrémités, qui deviennent sans vie. Votre conscience se retire également de vos sens. Vous n’êtes plus capable de voir ou d’entendre.
Tou ceci n’est pas morbide. Dans la cosmologie Indienne, la mort est juste un passage à autre chose, une transition comme une autre. C’est une chose excitante, et joyeuse de voir ce qui se trouve au-delà pour vous !
Votre conscience s’accumule au centre de votre être. Elle est maintenant presque totalement retirée du corps. Le cœur du corps s’arrête de battre, et l’énergie électrique dans le cerveau s’arrête. Ceux qui vous entourent dans le monde physique croient que vous êtes mort.
Cependant, une partie de l’énergie vitale circule encore dans votre canal central, dans la région de la colonne vertébrale.
A ce stade il est possible de réanimer votre corps à ce stade et de “revenir à la vie”.
Cela explique pourquoi certaines personnes qui ont dû revenir ont pu le faire.
C’est le moment de la mort physique. C’est aussi à ce moment là que nous est offerte la plus grande chance d’obtenir la libération
Ne pas rater sa mort
La dernière pensée, la dernière émotion a un impact déterminant sur ce qui va se dérouler ensuite, serons nous libérés ou allons nous nous réincarner encore?
La peur et le désir nous entraîne à en vouloir toujours plus : Plus de temps, plus d’amour, plus de plaisir, plus d’attention, plus de nourriture, plus, plus, plus.
Cette idée fixe prend l’esprit tout entier à tel point que l’univers cède à nos désirs et nous renvoie dans une autre vie pour succomber encore au désir insatiable de consommer…et d’en souffrir.
C’est parce que nous n’étions pas bien préparé que nous tombons dans le piège.
Concentrez votre esprit sur ce qui est plus grand que vous. Ne cédez pas à la peur. Quel que soit ce sur quoi vous concentrez votre esprit dans vos derniers moments dans le corps, quelque soit le nom que vous lui donnez, c’est la destination vers laquelle votre conscience sera dirigée quand elle quittera le corps. Laissez donc aller vos désirs et abandonnez-vous !
Au moment de quitter ce monde, quand on laisse son corps et qu’on meurt, toute son attention tournée vers moi, on parviens à ce que je suis, la-dessus aucun doute
Bhagavad Gita 8.5
Non seulement votre corps physique meurt à ce moment, mais votre corps subtil se dissout également. Votre âme, enfermée dans un corps causal fin et minuscule avec le plan de vos expériences passées, sort de votre corps physique par une ouverture telle qu’un œil ou une bouche.
Vous réalisez maintenant que vous n’êtes pas du tout votre corps, et vous vous sentez libre et sans limites comme jamais auparavant.
Rien ne vous retient ! Vous voyez votre famille pleurer et avoir du chagrin, et vous voulez leur dire : “Pourquoi pleurez-vous ? Je suis là ! Je suis libre ! Peut-être qu’un ou deux d’entre eux sentent votre présence, et ils sont réconfortés par l’énergie familière de votre amour.
Puis vous devez avancer. Avant que vous ne le sachiez, vous avez glissé dans un autre endroit, un autre royaume de l’être.
Vous vous retrouvez dans un tunnel à la vitesse de la lumière. Tout ce qui vous faisait sentir comme un être fini est en train de disparaître. Vos souvenirs de qui vous étiez dans votre vie se dissolvent lentement, ce qui est bien, car cette identité n’était pas vraiment vous de toute façon. En atteignant la fin du tunnel, vous explosez dans un océan de lumière.
Il y a de la lumière tout autour de vous. Elle est aussi en vous. Partout, il n’y a
rien que de la lumière. C’est comme la lumière d’un million de soleils. C’est éblouissant, insupportablement lumineux, mais vous ne pouvez pas vous en échapper. Il n’y a nulle part où aller. Il n’y a pas d’autre existence autre que cet océan de lumière. Si vous vous êtes préparés pour ce moment, vous allez réaliser que cette lumière est la lumière de la conscience universelle.
La forme que prend la conscience dépend de votre propre conception du divin. En ce sens, tout ce que vous voyez n’ est en fait qu’une projection de votre propre
conscience. Mais cela ne le rend pas moins réel ! Votre conscience elle-même est
divine, et a le pouvoir de créer et de dissoudre des réalités, ou d’imposer sa propre structure à l’énergie existante sans modèle.
La réincarnation
Pour celles et ceux qui n’auront pas été préparé à la mort, pas de libération, pas de fusion avec l’infini ou l’absolu. vous allez renaître. Vous devez le faire, car vous avez encore des leçons à apprendre. Vous allez maintenant choisir vos nouveaux parents, afin de naître dans une situation qui vous aidera à revoir les leçons qui n’ont pas été suffisamment maitrisées. Vous savez ce qui est le mieux pour vous, et cela inclut la souffrance aussi bien que le bonheur : nous apprenons des deux. Vous avez une vision de vos parents amoureux, et vous vous sentez attirés par eux. Votre âme pénètre dans le sommet de la tête du fœtus dans l’utérus de votre mère, et s’y loge.
Maintenant que nous venons d’explorer le processus de la mort cela amène à la question suivante qui est : comment cette connaissance nous aide-t-elle à vivre une
vie différente ? Comment nous prépare-t-elle à la mort ?
Mourir est une chose formidable. C’est l’occasion de se refaire une beauté, de renaître comme le phénix renaît de ses flammes. Chaque fois qu’une révélation profonde ou un traumatisme profond survient dans notre vie, une partie de nous meurt et renaît. La mort est une transformation : pas plus, pas moins.
Comment se préparer à notre mort ?
attendre de mourir pour se sauver, c’est comme essayer de creuser un puits quand la maison est en feu.
Swami Muktananda
Vous l’avez compris ce n’est pas au moment de mourir que l’on se prépare…L’un des moyens consiste à créer de nouvelles habitudes. Puisque dans les moments de peur et de stress nous nous rabattons sur nos comportement les plus familiers, pourquoi ne pas s’assurer que ces modes sont favorables? Plus l’esprit se concentre sur les valeurs les plus nobles durant la vie, plus il sera facile de surmonter la peur et le désir au moment de la mort.
Par conséquent, nous devons donc conditionner notre esprit, l’entraîner. Ce qui peut paraître étrange.
Mais l’entrainer à quoi ? à faire mourir l’ego. Voilà l’entrainement qui a le plus de valeur et celui vers lequel nous devrions porter toute notre attention en priorité au détriment de tout le reste.
Vous savez ce que vous êtes, vous savez que votre mort n’est pas la fin. Vous savez qu’il est indispensable de se préparer à votre mort dans cette vie même et que c’est probablement la chose la plus importante à faire. Mais comment détruire votre ego?
Le tantra offre une réponse simple : En faisant l’expérience directe des intervalles. Par expérience directe entendons pratiquer et non pas se contenter de lire ou d’écouter un enseignement. Il est indispensable pour cela d’avoir un maître qui va nous aider à ne pas nous emmeler les pinceaux avec les contradictions qui pourraient émerger dans notre esprit et nous guider pour internaliser les concepts et faire l’expérience directe de la vérité.
Au moment du choix lorsque la mort arrive, dans l’intervalle entre vos souffles, dans l’intervalle entre vos pensées, dans l’intervalle entre les battements de votre coeur, là est la vérité.
écoute ! la vieillesse se hâte vers toi. Comme ton ombre, la mort se tient juste derrière toi. Ce qui existait hier n’existe plus aujourd’hui. Pourquoi ne réfléchis-tu pas à ces choses ?
Swami Muktananda
Livres sur la mort
- Le livre tibétain de la vie et de la mort : Sogyal Rinpoché
- Bardo-Thödol : Le livre tibétain des morts
- Does death really exist? Swami Muktananda
Source : Article librement inspiré des enseignements de Hareesh