La vérité sur les Yoga Sutras de Patanjali

Les Yoga Sutras un texte de référence

Tous les pratiquants de Yoga et en particulier ceux qui ont suivi une formation (teacher training) de professeur de Yoga, que ce soit en France où à l’étranger connaissent les Yoga Sutras de Patanjali car ce texte est systématiquement étudié dans les formations. Il est même obligatoire pour obtenir un diplome certifié Yoga Alliance.

On peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles ce texte qui définit un yoga trés différent du yoga postural moderne fait office de référence alors qu’ancun sutra n’enseigne les postures (asanas) à part l’assise. Pourquoi le sage Patanjali est-il dans ce contexte tendrement appelé le père ou le grand père du Yoga moderne? nous le verrons plus loin.

Par ailleurs, ce texte est souvent mal traduit, mal compris et donc mal interprété.

Les Yoga Sutras 195 aphorismes et 1 commentaire

195 aphorismes

Les Yoga Sutras sont constitués de 195 aphorismes. Un livre court dans son format mais dans chaque aphorisme se cache une densité que seul un Guru peut déployer et transmettre. A l’époque le Yoga est destiné aux Brahmanes, il était donc important que cet enseignement ne tombe pas aux mains d’un profane. c’est aussi pour cela que le texte est laconique et écrit dans un language crépusculaire (sandhyā bhāshā).

1 commentaire

Les Yoga Sutras ont été commentés depuis des centaines d’années, il existe donc une multitude de commentaires. Pourtant une découverte récente a révélé que Patanjali lui-même aurait accompagné son texte de ses propres commentaires.

C’est Philipp Maas, un chercheur qui émet cette hypothèse qui est depuis admise par une grande partie de la communauté.

Quels sont les indices?

Les manuscrits qui ont été trouvés portent le nom de Pātañjala Yogaśāstra (probablement un nom donné par les scribes). A ce jour aucun manuscrit contenant uniquement les aphorismes n’a été retrouvé. Le manuscrit est accompagné d’un commentaire attribué au sage Vyasa.

Or Vyasa veut dire éditeur en Sanskrit ce qui explique pourquoi beaucoup de textes portent ce nom. En fait beaucoup d’éditeurs ont compilé ces textes. Ils ne sont pas une seule personne il sont simplement…des éditeurs.

Au delà de l’anecdote si Patanjali a commenté son propre texte, quelle est la raison d’être de tous les autres ?

Les-Yoga-Sutra-de-Patanjali-a-la-lumiere-des-pre-miers-commentaires-indiens

Quelle est la définition du Yoga dans les Yoga Sutras de Patanjali ?

  • Dans les Yoga Sutra, la Bhagavad Gita , le Mahabharata et d’autres textes de l’Inde ancienne, le Yoga constitue un objectif ou un état à atteindre. Un état d’être.
  • Yoga dans les Yoga Sutras ne veut pas dire union, au sens où il est défini dans les Pashupatta Sutra (daté de 170 de notre ère donc antérieur aux Yoga Sutras de Patanjali). Union entre l’Atman l’âme individuelle et Dieu ou le divin.
  • Dans le Yoga Moderne, le Yoga est une pratique.

Mais qui est le mystérieux Patanjali ?

On peut se demander pourquoi Patanjali n’a pas dit qui il était? Alors que d’autres auteurs ont clairement signé leurs textes et ont une histoire. On sait que Patanjali ou le groupe Patanjali s’il s’agit d’un collectif d’auteurs n’est, ou ne sont en réalité qu’un ou des  compilateurs.

Les chercheurs là encore ont émis l’hypothèse que le nom Patanjali aurait été donné en référence à Patanjali, l’ auteur des commentaires de la grammaire du Sanskrit de Panini “Maha Bashya” et d’un ouvrage sur l’Ayurveda En Inde les savoirs sont complémentaires et entrelacés ainsi :

  • La grammaire permet de cultiver l’esprit
  • L’ayurveda permet de cultiver le corps
  • Le Yoga permet de cultiver l’âme

Patanjali ayant écrit sur ces 3 domaines a ainsi acquis le statut de sage mais son histoire pourrait bien demeurer dans les mystères du temps.

La renaissance des Yoga Sutras au 20ème Siècle

Pendant des centaines d’années le texte a été mis aux oubliettes en Inde et c’est un fait historique qui va le remettre au goùt du jour:

Depuis plusieurs centaines d’années, les Yogin Indiens pratiquaient le Hatha Yoga. Leur texte de référence était le Hatha Yoga Pradipika.

Pendant de la colonisation anglaise, ces Yogin sont devenus des mercenaires, des combattants adeptes de Tantra. Leur mode de vie, leurs présuposés pouvoirs leurs donnaient une mauvaise réputation dans la population indienne de l’époque.

Le rôle de Krishnamacharya

Au vingtième siècle, Krishnamacharya en lutte avec les colons anglais, a décidé de remettre à l’honneur le Yoga en Inde. Il a tout d’abord cherché à changer l’image de ces yogin qui jouissaient d’une si mauvaise réputation et qui faisaient de l’ombre à sa discipline.

Il lui fallait trouver un autre texte moins connu comme support. Un texte qui n’éveillerait pas de soupçon, pas de commentaires. Il a fait le choix des Yoga Sutras non pas parce qu’il correspondait au Yoga qu’il voulait enseigner mais parce que c’est un texte qui tourne autour de la méditation, de la paix, plutôt que la guerre et une vie dépravée. Cet enseignement pouvait aussi entrer en résonance avec certains textes Chrétiens. Une manière de ne pas s’attirer les foudres des Anglais.

En 1890, Vivekananda a lui aussi extraits des parties de ce texte, en particulier ceux qui ne pouvaient pas soulever de polémique pour son discours à Chicago.

Plus globalement, la vision de ces gurus était qu’en débarassant le Yoga Indien de certains concepts il serait plus facilement admis en occident et notamment aux Etats-Unis. C’est le génie de Krishnamacharya et Vivekananda.

Les Yoga Sutras, une source importante mais pas une référence pour le Yoga Moderne

Vous trouverez un peu de Pranayama et la posture assise,  mais le livre est avant tout un manuel de méditation, pour atteindre l’état de Samadhi.

Il serait plus naturel de considérer que le Hatha yoga Pradipika dans sa version élargie de 10 chapitres au lieu de 5 soit le socle de l’enseignement moderne tout simplement car son contenu est plus proche de la pratique actuelle. Il n’en existe pas de traduction française à ce jour à ma connaissance.

Nouvelle traduction du Sutra 1.2 Yoga Citta Vritti Nirodhah

Le sutra 1.2 est le plus connu des Yoga Sutras, pourtant sa traduction a fait l’objet de nombreuse interprétations, dont certaines des plus farfelues.

  • Sutra 1.2 en Sanskrit : योगश्चित्तवृत्तिनिरोधः
  • Sutra 1.2 en Devanagari : Yogaścittavṛttinirodhaḥ

Qu veut dire Yoga Citta Vritti Nirodhah dans la plupart des traductions ?

  • Le Yoga (Yoga) est l’arrêt (Nirodhah) de l’activité automatique (vrittis) du mental (citta) (Françoise Mazet)
  • Le Yoga est la suspension des fluctuations du mental

Quelle est la véritable signification de Yoga Citta Vritti Nirodhah ?

  • Le Yoga est l’état dans lequel les flucuations du mental (les pensées comme les émotions) deviennent tranquilles.

La méthode de Patanjali pour atteindre le Samadhi : les Huit membres du Yoga

Pour atteindre cet état de Yoga, Patanjali propose de prendre le chemin de l’ ashtanga souvent traduit par 8 membres. (asht= huit anga= membre)

Ici Patanjali s’est inspiré des 8 étapes du Bouddha Marga (8 pratiques qui amènent à l’état de yoga).

Plutôt que de traduire ang par membre, il serait plus juste de la traduire par aides : 8 aides pour atteindre l’état de Yoga

Les Huit aides des Yogas Sutra de Patanjali

  1. II-30 Yamas : Première partie du code d’éthique orienté sur la relation avec les autres, pour atteindre un état de tranquillité de l’esprit. Ici Patanjali ne se place pas en objecteur de conscience mais nous offre des conditions pratiques pour que tout notre être baigne dans un champ paisible. Cela correspond à un socle de fondations qu’il nous faut travailler au préalable avant de passer à l’étape suivante Asana
  2. II-32 Niyamas : Suite du code d’éthique dans la relation à soi-même
  3. II-43 Asana : La pratique, S’assoir et méditer. Etre bien établi dans l’assise, de manière constante et tranquille
  4. II-49 Pranayama : Ralentir le souffle, trouver les pauses entre l’inspire et l’expire
  5. II-54 Pratyaharah : Le retrait des sens, Porter son attention à l’écoute intérieure.
  6. III-1 Dharana, concentration sur le souffle
  7. III-2 Dhyana, la concentration sur le souffle entraine à l’état de méditation par un effet de fondu enchainé. L’état de méditation est décrit comme un état de présence et de concentration continue, accompagné d’un souffle tranquille dans un effort doux
  8. III-3 Samadhi La transition de fait toujours dans un fondu enchaîné vers un état de présence complète sans effort, la flamme du souffle est présente mais comme absorbée dans l’état. Seul demeure l’état sans rien autour. Et c’est alors que le yoga advient
  9. On pourrait décrire un neuvième état dans lequel l’objet même de la méditation a disparu. Il s’agit d’un état de conscience pure, de pure silence, de pure tranquilité; d’ouverture. ici Yoga est conscience.

Les différents états de Samadhi

Patanjali décrit différents niveaux de Samadhi. La 8eme aide est un état dans lequel l’objet est présent. L’esprit est immergé dans l’objet lui-même. L’esprit se dissout en lui, laissant la conscience et l’objet au point même que le pratiquant peut ressentir de l’affection pour un objet le plus quelconque soit-il. Il arrive que dans les salles de pratiques, certains demandent à repartir avec le vase ou la bougie pour le ramener à la maison!  Un véritable intimité s’est créé tout simplement car l’esprit a cessé de s’interposer laissant la place à l’amour. On peut comprendre alors qu’il soit difficile de laisser l’objet partir. Cet état est un état  intemporel, les pratiquants sont dans l’incapacité de dire s’il a duré une seconde, plusieurs secondes ou minutes.

Pour savoir qui l’on est vraiment il faut donc quitter l’esprit, le faire fondre. C’est là qu’on attend un état supérieur de Samadhi : Niroddha ce qui pourrait correspondre à cette 9eme étape. Ici il n’y a plus d’objet.

Lorsque l’on touche à ce qu’est notre vraie nature on se rend compte qu’elle est bien plus vaste que ce que l’on a bien voulu nous faire croire. Et c’est là que show télévisé prend fin.

Ce “moi”, cette personnalité constituée de pensées et d’émotions que l’on nous a fait croire que nous étions cesse d’être.

Le terme Vairagya correspond à cela : Se convaincre que nos pensées et nos émotions ne sont pas aussi importante que ce qu’il y a derrière, cette trame dans laquelle ce flow d’énergie se déploie.

Il faut comprendre que le calme et le silence sont bien plus significatifs que les pensées. En d’autre termes le contenu importe peu. C’est exactement l’inverse de ce que la société et nos conditionnements assènent.

C’est en tous cas le préalable pour que la meditation amène à l’état de yoga. Sans ce changement profond, ce shift, la méditation ne sert à rien.

Source : Christopher Hareesh Wallis

Les racines du Yoga-Mark Singleton

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