Journal de confinement d’une prof de Yoga : Episode 2 : Nos vies de confinés à Rishikesh
Marie-Hélène m’a contactée sur Instagram. Elle était en teacher training à Rishikesh en Inde lorsque le confinement a commencé. Marie-Hélène est prof de yoga et a fondé avec Elodie une autre prof de yoga, la start-up VIDYA.
Présentation de VIDYA
VIDYA est une plateforme qui organise des formations de professeur de yoga en Inde. Ce service permet aux yogis francophones de bénéficier des enseignements de Maîtres Yogis Indiens en français et d’être accompagné depuis la réservation jusqu’à l’arrivée en Inde et les premiers cours de yoga. Cela permet à celles et ceux qui n’osent pas franchir le pas de découvrir l’Inde, de disposer d’ écoles triées sur le volet, et d’éviter la barrière de la langue, car la majorité des enseignements sont dispensés en anglais.
Comment organisez vous vos journées depuis le confinement ?

Vidya Teacher Training Courses Rishikesh
Nous sommes arrivées à l’école, un ashram appelé Osho Maikada, le 13 mars. Nous avons commencé la formation en Hatha, Vinyasa et Ayurveda avec 3 au lieu des 12 élèves prévus. Cette dernière a été très rapidement interrompue.
Suite à cette interruption, la vie et la routine dans le centre de formation a commencé à s’organiser différemment.
Parmi les membres de notre communauté, 2 Corses, une Québécoise, une Parisienne, et une Stéphanoise. Nous avons décidé de maintenir des horaires réguliers, un peu comme pendant la formation, pour la pratique des asanas mais aussi des shatkarmas.
Nous avons choisi de nous laisser davantage de temps pour vivre les événements actuels, nos énergies pouvant bien évidemment être affectées par cette situation de crise. Nous avons été surpris par la générosité de nos hôtes, les propriétaires d’Osho Maikada, qui ne nous ont pas seulement offert des conditions de vie paradisiaque, mais qui ont également tout fait pour nous accueillir dans leur famille, et nous aider à vivre au mieux cette période de confinement, loin de nos proches. Le maître des lieux nous a gentiment proposer de commencer et finir nos journées par des cours de méditation active : Osho Méditation Active et Osho Méditation Kundalini. Grâce à cela, nous avons pu instaurer une routine nous permettant de continuer notre apprentissage, d’approfondir notre pratique et il faut le dire, donner un sens à des journées qui pourraient rapidement devenir moroses. Nous organisons 2 cours d’asana par jour, passons du temps à lire, nous dialoguons aussi beaucoup, et avons pu initier nos hôtes indiens aux joies de la cuisine italienne.
Adaptation de notre pratique à cette nouvelle routine ?
La formation s’étant arrêtée, les enseignants n’avaient plus le droit de rentrer dans l’école. Laurence et moi, nous sommes retrouvées propulsées du statut de traductrice au statut d’enseignantes. Bien qu’enseignant en Europe, c’est une autre histoire de se retrouver à enseigner en situation de crise, alors que l’on vit soi-même la crise et qu’il est parfois difficile de se recentrer. De plus, les élèves sont venus ici pour recevoir les enseignements de maîtres yogis indiens, donc on ne sent pas toujours à la hauteur. Il faut parfois adopter une approche plus large, notre objectif c’est d’aider les étudiants à adopter une approche plus large, avec humilité et de savoir que notre rôle est de faciliter leur pratique.
Nous avons également noué des liens forts avec nos élèves, probablement très différents de ce qu’ils auraient été dans une situation ‘normale’. Nous avons ainsi exploré différentes formes de pratique, on a par exemple fait un cours que l’on a appelé ‘Yoga like Jane Fonda’, on nous avons mélangé yoga et aérobic, le tout sur de la musique des années 80.
Quels sont les Les plus et les moins du confinement ?
Il n’y a pas vraiment de plus ou de moins. C’est une situation qui est réelle, nous sommes là où nous sommes et devons nous adapter. Le COVID-19 est un avertissement, quelque chose qui nous dit que pendant trop longtemps, nous avons abusé de toutes les ressources disponibles, nous avons oublié que nous étions de simples visiteurs et que rien sur cette terre ne nous appartient. Nous avons oublié d’apprécier la vie telle qu’elle est, nous sommes désintéressés de ce qui était important pour des futilités. Cette pandémie est bien entendu une catastrophe, mais il y a un message que chacun d’entre nous devrait trouver et comprendre pour soi.
Quelle est l’ambiance au sein du groupe ?
Il y a une énorme fluctuations d’énergies, ce qui est normal au regard du contexte. Mais cela reste une chance immense d’être ensemble. Tout arrive pour une raison, et si nous sommes tous là dans cette maison, dans la jungle, en Inde, il y a une raison. Nous avons énormément à apprendre les uns des autres. Avec les ajustements au contexte, nous avons réussi à créer une ambiance sereine, nécessaire au bien-être de tous. C’est d’ailleurs de primordial au regard de la crise actuelle, de s’assurer que notre lieu de confinement, quelqu’il soit, soit un espace de liberté et de tranquillité. La planète se repose, nous aussi.
Comment est l’ambiance à Rishikesh ?
Nous connaissons bien Rishikesh et avons toujours aimé son énergie vibrante. C’est pourquoi d’ailleurs nous avons choisi Rishikesh pour lancer notre startup de formations de yoga en francais, italien et espagnol, VIDYA. Nous venons ici régulièrement et, à nos yeux, Rishikesh est la ville parfaite pour vivre les transformations d’une formation de yoga. Par mesure de sécurité, nous sommes entrés en confinement volontaire avant que le gouvernement ne prennent les mesures nécessaires. Les dernières fois où nous nous sommes rendus dans la ville, l’atmosphère était différente, un peu pesante. Comme ailleurs dans le monde, les gens ont peur. Les rues étaient désertes, on y croisait beaucoup moins d’expatriés et les boutiques se vidaient. C’était assez étrange de déambuler dans des rues aussi calmes en Inde.
Les réseaux sociaux et des amis confinés dans le centre-ville, nous permettent de suivre l’évolution de la situation en ville. C’est une période difficile mais c’est également incroyable de voir les initiatives solidaires prises, par les locaux et les expatriés lesquels se mobilisent pour donner de la nourriture à des Sâdhu ainsi qu’à des étrangers confrontés à des problèmes de logement ou d’alimentation. Les animaux aussi, vaches et chien errants, dépendent des restaurants pour se nourrir, la population locale prend des mesures pour y remédier. Cette situation est propice pour observer la beauté humaine, et se souvenir que nous pouvons être généreux et soucieux d’autrui.
Le temps dont vous disposez est-il propice à la réflexion?
C’est quelque chose d’assez rare dans la vie de pouvoir tout mettre en pause et de vivre l’instant présent. Donc bien sûr nous pensons au futur, nous nous posons également des questions quant à l’évolution de cette situation, mais nous souhaitons aussi prendre le temps d’être ancrés dans le présent. Parmi nos questions : combien de temps sera nécessaire pour voir la fin du confinement ? Quels changements allons nous observer ? Allons-nous enfin prendre conscience de la nécessité d’observer des modes de vie plus respectueux de l’environnement, plus éthiques ? Nos projets d’organiser des formations en Inde avec VIDYA est-il compromis ? Pourrons-nous organiser des formations à l’automne prochain tel que nous l’avions prévu ? Nous voyons aussi cela comme une opportunité d’améliorer ce projet. La situation actuelle nous a également fait comprendre qu’il était inutile de se projeter dans le futur.
Est-ce que le confinement change finalement les choses ?
Bien évidemment, nous ne sommes pas en mesure d’évaluer les apprentissages de cette expérience maintenant, c’est quelque chose qui viendra plus tard. Mais il est évident que nous ne sortirons pas inchangés de cette expérience. Nous sommes propulsés en dehors de notre zone de confort, dans une situation où le doute et l’incertitude font partie intégrante du quotidien. Nous sommes aussi privés de libertés qui nous ont toujours semblé naturelles : aller et venir, voir des amis, sortir faire un jogging, voyager, ou encore avoir des contacts physiques. À la veille de notre confinement volontaire, j’ai rencontré mon Guru-Ji et ami que je n’avais pas vu depuis des mois. C’était étrange de ne pas le serrer dans mes bras et de lui parler à une distance de près de deux mètres.
Je crois aussi que c’est une merveilleuse occasion de se laisser impressionner par la générosité d’autrui. Dans notre cas, c’est celle des indiens. Nous sommes actuellement complètement dépendant de la famille qui nous entoure et nous a pris en charge. De notre part, ça demande un véritable exercice de lâcher-prise, d’humilité et de gratitude.
Photos : Pascaline Mussot
Site internet: https://vidyatraining.com/fr/home
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